Ma référence à moi
Temps de lecture : 12 minutesENQUÊTE #3 Ma référence à moi On parle de e-restauration et de e-réputation. Quels sont les enjeux d’un bon référencement ? Enquête auprès des acteurs
ENQUÊTE #4
Entre-soi, biais et copinages … la critique gastronomique est un art difficile et critiqué… Le web, les réseaux sociaux et sites d’avis n’aident pas. Remettons un peur d’ordre, de calme et de beauté dans tout ça. Enquête auprès des acteurs de ce domaine…
ENQUÊTE #4
Le temps est révolu où quelques critiques à la plume trempée dans l’acide faisaient la pluie et le beau temps au restaurant.
Le PGF (paysage gastronomique français) a beaucoup changé. Les chef.fe.s en sont les premières victimes, confrontés à des jugements toujours plus nombreux et pas forcément toujours pertinents. Les sites d’avis ont bouleversé leur vie.
Avant même de débattre de la nécessité de régler son addition, d’être anonyme et de ne pas faire copain-copain avec les chef.fe.s, on pourrait considérer une fois pour toutes que la critique gastronomique est forcément subjective.
Elle est fonction de celui qui l’écrit, de son histoire, de son parcours, de ses goûts, de son humeur, mais aussi du moment, de l’état d’esprit du cuisinier, du personnel de salle, de l’environnement.
Sophie Brissaud a un point de vue original sur ce que devrait être une critique objective :
La crise de la presse et de l’émergence des réseaux sociaux a aujourd’hui complètement rebattu les cartes de la critique gastronomique, créant une certaine confusion.
Depuis que Alexandre Balthazar Grimod de la Reynière a inventé le genre avec son « Almanach des Gourmands« , publié entre 1803 et 1812, la critique gastronomique avait déjà connu quelques troubles dans son histoire.
Longtemps, l’apanage de grands bourgeois argentés transformés en journalistes mangeurs, le métier avait traversé une sombre période au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, quand certains rédacteurs collaborationnistes y trouvèrent refuge, grâce à l’indulgence des autorités.
Aujourd’hui, il est encore plus difficile de distinguer qui est qui et qui fait quoi, avec quelle légitimité, quelle déontologie et pour quelle influence.
Premier constat ? Avec l’avènement d’Internet, la presse traditionnelle souffre énormément. Depuis les années 2000, pratiquement plus aucun média n’a les moyens de défrayer ses journalistes.
La définition la plus simple du critique gastronomique, c’est sans doute François Simon (simonsays.fr) qui la donne : « un journaliste qui, après enquête, analyse un restaurant selon ses critères« .
Christel Brion (L’Obs) le suit : « une catégorie particulière du journalisme, au même titre que l’éditorialiste, où le journaliste rend compte d’une offre culinaire en donnant son avis ».
Emmanuel Rubin (Figaroscope) nuance l’idée d’une impossible objectivité. Il pense que sa fonction est « d’informer sur les restaurants et les décrypter de manière beaucoup moins subjective qu’on ne le pense ».
Estérelle Payany (Télérama) se considère comme « une personne qui mange et écrit sur ce qu’elle mange, le replace dans son contexte et se pose la question : y enverrais-je mes amis dépenser leur argent ?« .
Gilles Pudlowski (Les Pieds dans le plat) introduit l’idée de « transmettre une émotion » et d’établir « une hiérarchie », tandis qu’Ilya Kagan (@ilyafoodstories) insiste sur le fait qu’un « bon » critique doit retranscrire « une expérience qui commence dès la porte du restaurant poussée, et ce, de la manière la plus objective possible ».
Emmanuel Rubin – Journaliste au Figaroscope
Le fait de payer, je pense que c’est comme chez le psy : ça fait partie de l’efficacité de l’analyse !
Ilyan Kagan – Photographe professionnel – Ilyafoodstories
Deuxième évidence : le poids des sites d’avis.
En août 2015, Laurent Favier, chef-propriétaire de Chai Vous Comme Chai Nous (La Flotte, Île-de-Ré), a reçu un courrier stupéfiant de TripAdvisor. Parce que des employés de son restaurant avaient voulu défendre leur travail en répondant à des avis négatifs de clients, il a été menacé, pêle-mêle, de : « rétrogradation de (son) établissement de plusieurs pages dans l’Indice de Popularité TripAdvisor ; affichage d’une bannière d’avertissement sur (sa) page ; et d’exclusion des Prix Travellers Choice TripAdvisor, des listes du Top 10, des communiqués de presse, etc. »
Alors qu’il n’existe pas forcément de lien contractuel entre la firme américaine et les restaurants, qui n’ont de toute façon pas le choix de figurer sur le site ou pas, même si certains services sont payants. Si les clients ordinaires ne sont pas à proprement parler des critiques gastronomiques, si la modération et la validation de leurs avis n’est pas toujours fiable, ceux-ci ont désormais un poids énorme sur la bonne marche des restaurants.
Google et Facebook ayant aussi investi le créneau, cela ne va que s’amplifier.
Parmi les autres néo critiques, il y a bien sûr les blogueurs, instagrammeurs et autres influenceurs, qui sont parfois les mêmes.
Là où un journaliste est censé pouvoir se prévaloir d’une certaine légitimité, celle de cette nouvelle population est parfois sujette à caution.
Cela tient notamment aux pratiques de certains, comme se faire inviter en menaçant parfois d’un post négatif en cas de refus, ou leur compétence à juger une expérience de table. Heureusement, d’autres ont une approche beaucoup plus sincère et désintéressée.
Avec plus de 8 000 abonnés sur Instagram, Ilya Kagan est de ceux-là. Il fait le distingo entre un journaliste et lui.
À mesure que les réseaux sociaux sont apprivoisés, par les cuisiniers et les communicants, leur influence devrait continuer à croître mais dans une forme d’auto-régulation, un tri entre le bon grain et l’ivraie.
Je ne traite que rarement de sujets anglés. Je ne procède pas à une évaluation stricte d’un restaurant où des plats qui sont servis. Je me contente modestement de raconter des histoires autour des restaurants que je pense dignes d’intérêt et ce, de la manière la plus fidèle possible à l’expérience que j’ai vécue.
Troisième rappel : la critique gastronomique est un métier. Or pour mieux comprendre ce qu’est un critique gastronomique, il est utile de se savoir comment il travaille.
Pour ce qui est de l’argent, le débat reste entier. Estérelle Payani est catégorique : « Le fait de payer, je pense que c’est comme chez le psy : ça fait partie de l’efficacité de l’analyse ! On consacre notre temps de travail au resto, on paie, ça nous rappelle qu’on est comme l’un de nos lecteurs – et ouille, on réalise bien mieux le rapport qualité-prix quand on paie la note. »
François Simon est tout aussi formel : « Je me suis toujours battu pour que les repas pour deux personnes soient défrayés. Cela est indispensable pour asseoir une critique recevable. Autrement, j’ai du mal à comprendre comment on peut écrire honnêtement un papier crédible. »
Emmanuel Rubin a recours à une métaphore pour expliquer cette nécessité de payer la note : « J’aime à dire que lorsque je suis invité chez des particuliers, mon éducation m’impose d’être poli même si le repas tire la tronche. C’est la même chose au restaurant. »
François-Régis Gaudry – Journaliste et critique gastronomique
On a évoqué Gilles Pudlowski, qui ne fait plus de discrimination aujourd’hui entre un repas payant ou gratuit : « qu’on soit invité ou qu’on paye, la critique est la même ». Manuel Mariani (ParisGourmand.com) est encore plus tranché : « Je travaille aujourd’hui quasi-exclusivement sur invitation des attachées de presse, ou des restaurateurs. »
Emmanuelle Jary – Journaliste et créatrice de « C’est meilleur quand c’est bon »
Mais, le phénomène du moment s’appelle « C’est meilleur quand c’est bon ». Il s’agit d’un programme vidéo lancé par la journaliste Emmanuelle Jary, qui visite des lieux moins fréquentés par ses collègues, mêlant plaisir et pédagogie, gourmandise et érudition.
Les films génèrent des millions de vues, jusqu’à 23 millions pour l’épisode sur « Chez Erwan », un bistrot des Yvelines. L’impact est si grand que le patron aurait demandé le retrait de la vidéo pour retrouver une vie normale.
La critique gastronomique, comme la critique littéraire ou cinématographique, a pour conséquence naturelle de favoriser la fréquentation des restaurants, des librairies et des salles de cinéma.
Côté gastronomie, les avis sont unanimes, la presse conserve une aura indéniable. Un bon article dans un grand quotidien ou dans l’un des hebdomadaires nationaux les mieux installés, c’est l’assurance de voir le carnet de réservations se remplir, parfois des mois après la parution.
Dans la catégorie des restaurants gastronomiques, le Guide Michelin reste un sérieux prescripteur, même s’il est de plus en plus contesté par les chef·fe·s pour ses choix et son absence de transparence.
Avec son application mobile, le Fooding est aussi un outil d’aide à la décision non négligeable.
Longtemps, les conflits entre chef·fe·s et critiques gastronomiques restaient confinés dans le microcosme. Les nouveaux moyens de communication changent la donne. Récemment, un chef nouvellement récompensé d’une troisième étoile, a remis en cause la crédibilité d’une critique assassine de son restaurant par le rédacteur en chef d’un site d’information spécialisé. Selon lui, il ne serait pas venu dîner en personne.
Ce procès en escroquerie, Marc Veyrat a tenté de l’intenter au Guide Michelin en 2019, évoquant à bas bruit des doutes sur la capacité des inspecteurs à décrypter une assiette. Il a été débouté.
Mais, cette méfiance nouvelle contre les critiques gastronomiques professionnels ressemblent fort à celle dont font preuve les chef·fe·s vis-à-vis des amateurs postant leurs avis. La situation est nouvelle, elle méritera d’être observée dans les années qui viennent.
Il est déjà arrivé qu’un chef à qui j’avais fait un retour négatif sur mon repas demande à son attachée de presse de faire pression sur mon rédacteur en chef pour que mon article soit « édulcoré » ou qu’il ne soit pas publié du tout. Mais cela ne s’est produit qu’une fois ou deux en plus de vingt ans.
Enquête signée Stéphane Méjanès
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