L’école comestible : interview avec Camille Labro, sa fondatrice

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Fondée en 2019, l’association L’école comestible a pour mission de faire entrer l’éducation à l’alimentation et au goût dans les écoles, dans la vie des enfants et de leur famille. Camille Labro, sa fondatrice, a accepté de répondre à nos questions. Au menu ? Un feedback sur l’année 2022, les grands axes de 2023 et le lien avec la Réservation Responsable. Et un mot d’ordre : “Venez nous rendre visite !”.

Pouvez-vous vous présenter ? 

Je m’appelle Camille Labro, je suis journaliste culinaire depuis une quinzaine d’années. Mon journalisme est axé sur tout ce qui touche au milieu de l’alimentation : des questions agricoles jusqu’à ce qu’on retrouve dans nos assiettes. Je parle de tendances, de problématiques sociétales et environnementales.

Camille Labro Lecole comestible par Mathilde Libourel

« Mon style est assurément engagé. Je fais le choix de mettre en avant certaines personnes et certains sujets qui me tiennent à cœur. »

– Camille Labro, fondatrice de L’école comestible

Je travaille depuis 11 ans pour le M, le magazine hebdomadaire du Monde. J’ai une rubrique qui s’appelle “Traitement de saveur”, qui tire le portrait de personnes à travers des recettes et des plats. Plus que des chefs, c’est une page qui met en avant des personnalités du monde de l’alimentation : producteurs, artisans, artistes, auteurs… 

J’ai aussi écrit quelques ouvrages culinaires, ainsi que quelques films documentaires, toujours autour de portraits de métiers de l’alimentation. J’ai également traduit les deux ouvrages d’Alice Waters qui sont parus en France. 

Pourquoi cet appétit pour la thématique de l’alimentation ? 

L’alimentation est, à mon sens, un sujet central et pluridisciplinaire. Quand on y réfléchit, l’alimentation a un lien avec la santé, l’économie, le social, l’écologie, l’agriculture … mais aussi le bien-être et le bonheur ! 

Camille Labro Lecole comestible par Mathilde Libourel

« Manger reste une des rares actions humaines qui sont obligatoires mais qui sont aussi un plaisir. Et ce qui me sidère – et me motive, finalement – c’est de voir que cet axe de nos vies est souvent mis au second plan, surtout en période de crise. »

– Camille Labro, fondatrice de L’école comestible

Cet appétit remonte également à l’enfance. Je suis née aux Etats-Unis mais j’ai grandi à Vence, dans le sud de la France. Ma maman, qui cuisine formidablement bien, m’emmenait faire le marché, à la rencontre des maraîchers et des producteurs, m’a nourrie de bons petits plats maisons qui sentaient la Méditerranée. J’ai quand même connu la “bouffe” de cantine – mais jamais les plats préparés ou surgelés. 

C’est donc ça l’inspiration pour la fondation de L’école comestible ? 

On peut dire que ça remonte à l’enfance, oui ! L’école comestible a pour vocation de faire entrer l’éducation à l’alimentation et au goût – le bien manger, en somme -, de la terre à l’assiette, dans les écoles et dans la vie des enfants et de leurs familles. 

L’école comestible est inspirée du projet Edible Schoolyard, créé par Alice Waters, grande chef californienne, qui est également une grande amie de mes parents et … ma marraine ! 

L’Edible Schoolyard, c’est la création d’un extraordinaire potager dans une middle school de Berkeley, en Californie. Ce projet pilote qui lie vie scolaire et vie “potagère” a inspiré nombre d’écoles et d’associations à travers le monde.

Camille Labro Lecole comestible par Mathilde Libourel

« Aujourd’hui, L’école comestible, même si elle s’inspire des principes de l’Edible Schoolyard, est devenue autre chose : un mouvement qui s’étend sur tout le territoire, avec de nombreux projets et plusieurs écoles pilotes. »

– Camille Labro, fondatrice de L’école comestible

L’école comestible aujourd’hui, c’est un peu la tête pensante pour tenter de diffuser et essaimer au maximum l’éducation à l’alimentation durable. Nous avons la farouche conviction qu’elle doit se trouver dans toutes les écoles, dans les programmes scolaires, accessibles à tous les enfants. 

Que pouvez-vous nous dire sur l’année 2022 ?

Il s’est passé tellement de choses ! Dans nos plus grands accomplissements, on a très bien avancé dans notre programme de formation, la clé de voûte dans cette volonté d’impact sur tout le territoire. 

On a également fait des choses dont on est très fiers : un partenariat avec le Muséum d’Histoire Naturelle pour un évènement autour des sens. Un partenariat avec Zone Sensible, une ferme urbaine en Seine-Saint-Denis. Un programme avec Science-Po de Lille dans leur master “Boire, manger, vivre”, où nous avons créé un module d’enseignement pour amener les étudiants à mener eux-mêmes des ateliers culinaires. 

Zone sensible - Camille Labro L'école comestible par Amélie Croynar
Zone Sensible – Camille Labro L’école comestible par Amélie Croynar

On a également lancé un programme expérimental en lien avec les cantines scolaires dans un collège du XVIIIe arrondissement de Paris. Cette mairie nous fait confiance, puisqu’on réitère l’aventure sur l’année scolaire 2022-2023, à plus grande échelle. On est partis du constat que les enfants naviguaient entre deux temps et deux gestions différentes, quand ils sont en cours ou quand ils ont leur moment de temps libre, notamment sur l’heure de midi. On veut essayer de reconnecter ces deux espaces-temps… notamment pour faire revenir les enseignants à la cantine !

Quel est le maître mot pour 2023 ?

La consolidation. Nous voulons vraiment finaliser notre formation et notre approche pédagogique. C’est un véritable enjeu : toutes les parties prenantes des projets à travers la France trouveront des outils pour se perfectionner et se former à nos méthodes. 

Camille Labro Lecole comestible par Mathilde Libourel

« Le futur de l’association est là : créer de jeunes pousses, qui adhèrent aux valeurs de L’école comestible, et qui essaiment nos idées et nos bonnes pratiques. On s’adresse notamment aux enseignants qui aimeraient mener eux-mêmes des ateliers. »

– Camille Labro, fondatrice de L’école comestible

L’objectif, pour nous, est d’être de moins en moins présents dans les classes, et que les enseignants s’emparent du sujet. Certes, nous aurons toujours des antennes et des facilitateurs locaux, mais nous ne voulons pas être des prestataires de service. 

Nous avons une branche à Marseille, nous lançons une autre à Nantes, mais également des modèles nés spontanément, qu’on appelle des “pousses”. Je pense à ces porteurs de projet à Rennes, Toulouse ou en Côte-d’Or qui font vivre nos préceptes. 

Et puis sur le plan RH, nous avons embauché notre deuxième salariée en 2022 et on envisage une troisième embauche cette année, pour renforcer le staff qui est déjà composé d’alternantes, stagiaires, services civiques, bénévoles et indépendant.e.s !

Que pensez-vous du concept de la réservation responsable ? 

Sachant que la plupart des réservations de restaurant se passent aujourd’hui en ligne, je trouve que c’est un très bon concept. C’est bien de se dire qu’au moment où la réservation est effectuée, il y a une espèce de mise en conscience de l’importance du geste. 

Pour nous, le soutien de Guestonline est ultra-précieux. Dans nos recherches de financement, on avait parié sur les micro-dons des restaurateurs, on pensait plus à une petite somme reversée sur l’addition. Mais quand on a rencontré Antoine et qu’il nous a parlé de la Réservation Responsable, on s’est dit que c’était encore mieux comme système de récolte de dons. 

Quelle est la part des dons de la Réservation Responsable dans votre fonctionnement ? 

Sur le budget de l’année scolaire 2021-22, soit au total 368.000€, la Réservation Responsable nous a fait don de 10.000€, soit entre 2 et 3%. Mais il faut savoir que sur cette somme globale de budget, on a l’aide de mécènes, des dons privés, des subventions publiques – part importante, 43% – et des revenus “adhésion et crowdfunding”. 

Camille Labro Lecole comestible par Mathilde Libourel

« Pour nous, l’apport de la Réservation Responsable est très importante. Parce qu’au-delà de l’aspect purement financier, il y a aussi l’aspect humain. On préfère largement avoir des “petits dons” – et je dis bien ça avec des guillemets – donnés par des entreprises qu’on aime beaucoup que recevoir des grosses sommes de conglomérats qui pourraient attendre des contreparties. Nous restons farouchement indépendants, notamment envers les sociétés de l’agro-industrie.  »

– Camille Labro, fondatrice de L’école comestible

Quel message souhaitez-vous passer à un restaurateur Guestonline qui cotise pour votre association ? 

Déjà merci, tout simplement. Le lien de notre association avec le milieu de la restauration est fondamental. Si aujourd’hui L’école comestible fonctionne, a une visibilité et du succès, c’est grâce aux chefs et aux restaurants. 

Et puis : venez dans nos ateliers. La porte est grande ouverte ! Vous voulez participer, animer, ou juste voir comment se passe un atelier de L’école comestible ? Contactez-nous via le mail contact@ecolecomestible.org et on s’organisera. En Ile-de-France, on intervient dans 25 écoles, avec au moins deux ateliers par jour, tous les jours d’école !

Et puis, dans l’autre sens, ça marche aussi. Les enfants sont toujours friands de voir de vraies cuisines, des chefs à l’œuvre. On peut imaginer des partenariats, des rencontres … Tout est possible. Des idées, des envies, des pistes pédagogiques : n’hésitez pas. Contactez-nous !

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